Dessin : Renée Vivien, la Muse des violettes
J’ai découvert cette poétesse par hasard, par une image qui se trouve sur plusieurs blogs et que j’ai retrouvé ici. On y raconte qu’un jour, lors d’une lecture publique du livre de Vivien – qui fut publié anonymement sous le pseudonyme de «R. Vivien» – le présentateur affirmait qu’il s’agissait du «pinacle de la description du désir d’un jeune homme envers les femmes». Mais voilà, il s’agissait plutôt du livre d’une jeune femme et les poèmes étaient adressés à son amante. (Quelque chose d’assez outrageux pour le début du 20e siècle – d’où le pseudonyme, qui passa de «René Vivien» à «Renée Vivien» lorsque l’artiste décida de vivre son homosexualité au grand jour. On surnomma même «Sapho 1900» celle qui traduisit du grec les textes de cette autre poétesse.)
L’anecdote de la lecture publique m’a donné envie d’en connaitre plus sur cette artiste prolifique; depuis, j’ai exploré ses œuvres et aussi lu sur sa vie. Pauline Mary Tarn, de son vrai nom, est née à Londres, puis s’est installée à Paris après ses études. Elle maitrisait très bien le français et écrivit toute sa poésie dans sa langue seconde. Son univers littéraire, magnifique mais aussi très mélancolique, était le reflet de son mal de vivre : le romantisme y côtoie constamment la mort, et le tout devient un échappatoire de la réalité… Renée Vivien a vécu sa courte vie par son art, et il est impressionnant.
Je vous invite à lire cette description ou à écouter cette vidéo si vous souhaitez en savoir plus sur cette poétesse : de toutes mes recherches, ce sont les sources que j’ai le plus apprécié.
Je souhaitais beaucoup dessiner Renée Vivien car je n’ai trouvé que très peu de portraits dessinés ou peints de la poétesse sur le web, et j’avoue que ça me surprend. Je suppose que c’est parce que ce n’est pas chose facile à faire, car il n’y a que très peu de photos de Vivien – et encore moins de bonnes photos. Il y a tellement peu de bonnes photos de cette poétesse, qu’en fait, si vous pensez avoir trouvé une photo claire d’elle, il y a de bonnes chances que ce soit plutôt : une actrice (Jean Dornis); une autre actrice (Olive Thomas); une troisième actrice aux grands yeux qui porte un petit manteau noir (anonyme); ou la demoiselle qui fut sa compagne (Natalie Clifford Barney).
J’ai choisi cette photo un peu étrange, que d’autres se sont également risqués à dessiner; mais comme l’image originale est de très basse résolution, j’ai préféré me baser sur d’autres photos et tableaux d’elle de son vivant pour esquisser son visage et terminer ce portrait. Évidemment, je n’ai pas pu résister à l’envie de retoucher le dessin terminé en lui appliquant un filtre violet! Il me semblait que Renée Vivien – celle que l’on appelait «La muse des violettes», par amour pour la fleur – y trouvait enfin son «essence».
Bref, puisse ce dessin être un humble hommage à cette poétesse…
Voici l’été… Les jours sont trop longs, mon amie,
Renée Vivien – «Devant l’été»
L’ombre tarde… On attend l’heure du grand repos,
Des lys plus odorants, de la cloche endormie
De la grande fraîcheur des feuilles et des eaux
Je m’attriste de la clarté qui se prolonge
Mon cœur est l’ennemi des midis éclatants,
Et malgré que les jours soient beaux comme un beau songe,
Cette heure qui me plaît je l’attends trop longtemps.
Je le sais, le beau jour dore ta chevelure
Large et blonde et qui se réjouit du soleil,
Mais je préfère à tout cette tristesse pure
Et cet ennui final qui mènent au sommeil,
J’adore ton visage et je préfère l’ombre
Mystérieuse où je ne puis que t’entrevoir…
Je préfère à ton clair regard ton regard sombre,
Belle, tu m’apparais plus belle vers le soir,
Dans l’espoir de cette heure où tout désir s’émousse,
Oublions la splendeur dure des jours trop longs,
Dans ce désir et le regret de la nuit douce,
Par ces longs soirs d’été trop lumineux, allons…
Moi, je me baignerai dans cette ombre illusoire
De tes cheveux et de tes seins et de tes bras
En songeant à la paix, la douceur et la gloire
D’un beau soir violet qui ne s’achève pas.
Sillages, 1908